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Mamadi Souare : « La rigueur imposée à l’interne du Syli ne se reflète pas sur le terrain »

Mamadi Souare , président de l'Union des acteurs du football de Guinée, ancien capitaine du Syli et du Horoya AC.
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Disparu des radars depuis belle lurette, Mamadi Soauré alias Passarela n’est pas pour autant déconnecté de l’actualité sportive de la Guinée. L’ancien capitaine Horoya AC et de la sélection nationale suit de près le football guinéen avec une attention particulière. Depuis la France où il réside désormais, celui qui était magnifié comme le libero impérial s’est confié à ConakrySports. Au menu de cet entretien : le Syli à son époque et celui de la nouvelle génération, le coaching de Kaba Diawara…

Entretien

Qu’est-ce qu’est devenu Mamadi Souare?

Je peux dire sans exagérer que je suis un témoin oculaire de l’histoire du football guinéen. Au fil du temps j’ai remarqué que les anciens internationaux n’avaient plus le minimum de respect. Ils ne sont pas écoutés et pas du tout. Suffisant pour moi de prendre du recule. Sinon chaque génération précédente devrait être une boussole pour la présente dans le strict respect. Notre avis compte à tous les niveaux. Mais c’est très difficile de donner son avis. Pour un rien, pour ses idées, on peut se faire des ennemis dans ce pays. Il faut appartenir à un camp pour plaire. C’est la raison pour laquelle j’ai pris mes distances face à cette réalité. Je suis dans mon coin en France où je développe ma connaissance avec des petits clubs. C’est facile à remarquer que les anciens internationaux ne sont pas respectés. Et souvent on s’appuie sur des prétextes liés au niveau d’études pour se passer des services des anciens internationaux.

Quel regard avez vous sur la nouvelle génération du Syli ?

La nouvelle génération a plus de chances que nous sur le plan financier et même logistique. Actuellement dans les rangs du Syli la quasi-totalité des joueurs évoluent dans les clubs professionnels. À notre époque, à la limite il y avait 40%  de professionnel. Cependant, je remarque que le degré de motivation n’est pas le même quant à représenter le pays. Nous on ne jouait pas pour se faire pleine la poche, parce qu’on n’avait ni prime de match, ni prime de déplacement. On avait au moins six ballons lors des séances d’entrainement. Pas de maillots d’entraînement. Chacun s’entrainait avec le maillot de son club en sélection.

Incroyable. On a vécu des choses comme ça dans une sélection qui représente la nation?

Il y avait pire. Dans nos déplacements parfois on dormait dans les aéroports faute de moyens pour loger dans les hôtels. Généralement on dormait dans nos ambassades lorsque nous étions en déplacement. Ce n’était pas logique mais on acceptait ainsi. Les conditions n’étaient pas remplies mais on était dopé par la motivation. C’est tout le contraire aujourd’hui parce qu’ils ont tout : les primes, les vols spéciaux et autres faveurs. Par contre, ils doivent rehausser leur niveau de motivation à mouiller le maillot pour la nation. Bien évidemment, il faudra faire accompagner l’encadrement par des hommes de valeur avec une expérience des grandes compétitions.

Malgré ces conditions extrêmement difficiles vous n’avez hésité à coacher le Syli en 2009 ? 

Tout à fait. J’ai accepté de dépanner pour deux matchs notamment contre la Cote d’Ivoire et le Burkina. Mais c’est après que j’ai compris que c’était un piège. On m’a tendu une liste de 19 joueurs qui n’étaient pas mes choix. J’ai fais venir Morlaye Soumah (Kolovati) et Fodé Laye Camara à mes côtés en tant qu’assistants. On a commencé le regroupement à Conakry avec neuf joueurs et les dix autres nous ont rejoints au Burkina quasiment à 24 heures du match. J’ai démissionné après le match parce que ce n’était pas possible de travailler dans des conditions inacceptables.

Et c’était fini au bout d’un seul match ? 

J’ai changé d’avis à cause du fait qu’Isto Kera, à l’époque ministre des sports, m’a rappelé pour le match contre la Cote d’Ivoire avec la promesse d’être reconduit après. J’ai accepté parce que j’avais besoin de temps pour mieux s’affirmer. Avec du temps je pouvais développer et inculquer mon savoir faire. Mais arrivé en Cote d’Ivoire aussi, j’ai trouvé une liste totalement différente de celle du Burkina. J’ai exigé à ce qu’on me ramène les joueurs qui étaient avec moi au départ. Sur cette nouvelle liste, ils ont éliminé Oumar Kalabane, Dian Bobo Baldé, Souleymane Youla et autres. C’était insupportable. C’est là que je dis à Isto Kera qu’ils sont en train de me tromper puisque les cadres ne sont pas dans ce groupe. Sur les conseils de Mandjou Diallo, Morlaye Soumah, Fode Laye Camara, j’ai accepté de rester sur le banc dans l’optique de faire mon équipe après ce match. Après plus rien par rapport à la promesse.

De votre statut d’ancien sélectionneur, quel regard avez-vous sur le coaching de Kaba Diawara ?

Kaba Diawara a une belle génération. Il doit en profiter. Toutefois, je ne comprends pas quand même qu’il ait tout ce potentiel et ne pas avoir une équipe collective. Sans doute que c’est lui le problème où ce sont les joueurs qui manquent de motivation. Je ne suis pas avec eux mais on ne peut pas dire qu’ils manquent de soutiens venant des autorités. Avec Sehrou Guirassy, le meilleur buteur des cinq meilleurs championnats européens, Naby Keita, Mady Camara et autres, Kaba Diawara doit pouvoir constituer une équipe autour de ces éléments forts. Il a même été interpellé récemment par Sehrou Guirassy quant à mettre à profit les attaquants dans le sens des buts. Le sélectionneur doit changer l’image que l’équipe dégage dans sa performance avec caractère. Souvent on a l’impression que c’est une équipe de quartier. Il n’y a pas de plan, ni de fond de jeu, encore moins de schéma spécifique aux valeurs intrinsèques des joueurs. La rigueur imposée à l’interne ne se reflète pas dans le rendu sur le terrain. C’est autant de chantiers à gérer avant la Coupe d’Afrique des nations 2023. Rien ne marche et rien n’est construit comme plan de jeu.

Propos recueillis par Yvon LEROUX 

 

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