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Antonio Souaré : « Pourquoi j’ai accepté la présidence de la FEGUIFOOT»

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Le président du Horoya AC de Conakry a accompagné son équipe à Dakar où elle a disputé la manche aller des préliminaires de la Ligue des champions contre l’US Gorée. En compagnie des confrères de Conakrysports et Foot221, Stades lui a tendu son micro. Pour un entretien à bâtons rompus.

Entretien 

Le Horoya AC a fait match nul (0-0) à Dakar face à l’US Gorée en match aller du tour préliminaire de la Ligue des champions. Est-ce que ce résultat vous satisfait ?

Je ne suis très satisfait de ce résultat. Parce qu’on était venu pour gagner le match. Et on a eu l’occasion de le faire au bout de deux minutes. Dans cette rencontre, il y a eu deux faits importants : Premièrement, à la première minute, notre attaquant a raté un but immanquable. Sur cette action, il n’a pas été collectif. Deuxièmement, c’est une erreur d’arbitrage, le but refusé pour une faute qui n’existait pas. Deux joueurs de l’US Gorée se sont télescopés avec leur portier et la balle est arrivée sur notre attaquant qui l’a mis au fond des filets. C’était le tournant du match. Après, cet attaquant, le meilleur de notre équipe, avait perdu ses repères, il était sorti du match. Le terrain aussi était difficile pour nous. Le gazon synthétique du stade Demba Diop est très vieux. Nous, on a l’habitude de jouer sur un synthétique de dernière génération qui est mélangé à de l’herbe. Il y avait aussi le vent. Cela dit, l’US Gorée était vraiment à notre portée.

L’année dernière, vous avez eu le même résultat face à l’AS Douanes à l’aller. Et au retour, vous avez largement gagné 4-0. Un tel scénario est-il possible ?

Il faut respecter l’adversaire. Nous cherchons à gagner et c’est ce que nous allons faire avec tout le respectons que nous accordons à l’US Gorée. Cette équipe n’est pas arrivée à ce niveau par hasard. Le Sénégal et la Guinée ont presque le même style de jeu. Dans la rue jusqu’à l’équipe nationale. D’ailleurs, nous sommes très métissés entre nous. Dans notre équipe, nous avons deux internationaux sénégalais, Khadim Ndiaye et Pape Amadou Touré. Je pense que la Guinée et le Sénégal sont deux pays frères. On joue les 90 minutes en adversaires. Après, ce n’est pas de l’animosité.

Est-ce que le Horoya AC n’a pas la pression par rapport à l’objectif d’intégrer la phase de poules qui est raté de peu ces dernières années ?

Un grand club, c’est la pression permanente. En 2013, on a restructuré le Horoya AC pour qu’il soit un club ambitieux. Il fallait mettre en place toutes les infrastructures nécessaires, avant d’intégrer la phase de poules en 2017. Aujourd’hui, on s’est dit qu’on est suffisamment armé pour aller à l’étape supérieure. Je discute avec les joueurs et je ne leur mets pas la pression. C’est peut-être eux-mêmes qui se mettent la pression. Ce n’est pas moi que le leur mets mais dans le haut niveau la pression est permanente. Ailleurs dans le monde comme ici en Afrique.

Il se dit que vous avez eu une brouille avec le joueur Ibrahima Sory Sankhon parce qu’il veut partir. Est ce vrai ?

Ce n’est pas vrai. Et il n’y a pas de problème. Avant même qu’Ibrahima Sory Sankhon ne signe au Horoya AC nous l’avions envoyé en Europe pour tenter sa chance. Il a lui-même pris son billet pour rentrer au pays. Il a compris que ce qu’on lui miroitait ne correspondait pas à ce qu’il espérait. À son retour au Horoya AC, je l’ai placé dans l’équipe du CHAN (Championnat d’Afrique des nations). C’est un garçon qui est très jeune, il est perturbé par ce qui se dit autour de lui. Ce qui est sûr, il n’est jamais venu me dire qu’il partait et que je l’ai retenu. Je ne retiens pas un joueur qui ne veut pas jouer chez moi. J’avais un joueur, du nom de «Trézéguet», il était le meilleur buteur. Il est parti faire un tour en  Belgique, en Bulgarie et autres, avant de se retourner. Il doit intégrer l’équipe très prochainement. C’est un enfant qu’on a pris dans l’informel, mais les gens lui avaient mis plein de choses dans sa tête. Aujourd’hui, nous avons le devoir de restructurer notre football, sinon nous allons perdre nos talents. On a des garçons promis à un avenir radieux mais qui sont en errance en Europe.

Le Horoya AC est fréquent à ces joutes ces dernières années. Est-ce à dire qu’il a une mainmise sur le championnat guinéen ?

Non, il y a des clubs qui émergent en Guinée. Il y a certes le Horoya AC et l’AS Kaloum qui représentent la Guinée en Afrique, cette saison. Mais il y a d’autres clubs à l’image du Hafia FC, Fello Star, Wakrya AC. Ce dernier club vient de la Ligue 2 et bouscule déjà la hiérarchie (2ème au classement après 9 journées, ndlr). C’est la preuve de l’émergence du football guinéen. On ne dit pas que ces clubs sont milliardaires mais ils se suffisent.

Le football professionnel guinéen a entamé sa deuxième saison. Qu’est-ce qu’il y a à ameliorer dans ce foot pro ?

Il faut contunier à aider les clubs à se structurer. Parce qu’il y en a qui ne le sont pas encore. Il faut que les gens comprennent que le professionnalisme est différent de l’amateurisme et qu’un club professionnel aujourd’hui est comme une entreprise. Il faut remplir toutes les conditionnalités pour jouer en Ligue professionnelle. La troisième année du professionnalisme sera la bonne peut-être. Même si c’est encore assez modeste, les clubs sont subventionnés financièrement et aidés au niveau de la logistique. Ça se passe bien pour le moment mais il faut comprendre qu’un club professionnel ne doit pas vivre de subventions.

Après une longue attente pour la décision finale, vous êtes candidat à la présidence de la FEGUIFOOT (Fédération guinéenne de football), était-ce une stratégie de votre part ?

Non. C’est la volonté de tous les clubs et du monde du sport. Ils ont exigé que je vienne à la tête de cette Fédération pour sauver notre football. C’est vrai qu’il y a quatre ans, le bureau de la dernière fédération me l’avait demandé et je n’avais pas accepté, je n’étais pas prêt et j’avais donné mes raisons. Maintenant avec cette volonté populaire, de la jeunesse surtout, c’était difficile de dire non. J’étais dans la réflexion ; ce qui explique la lenteur de la décision. J’ai consulté mon entourage dans le domaine du football, il m’a donné un avis favorable. C’est après que je me suis décidé à me porter candidat.

Visiblement, on vous a forcé la main. Mais personnellement n’était-ce pas une ambition ?

J’ai dit à tout le monde que je ne ferai pas la politique, cela ne convient pas car il y a des vertus en politique que je ne peux pas assumer. Cependant dans le football, j’ai toujours des ambitions, mais j’y vais progressivement. Quand je suis arrivé au Horoya AC, je me suis fixé comme objectif de restructurer le club et de mettre des infrastructures en place, avec l’objectif de jouer chaque année la Ligue africaine des champions. Dans la foulée, la mise en place d’un centre de formation était impérative pour nous. Il fallait aussi créer de la visibilité pour notre football afin de capter les sponsors. On s’est aussi dit qu’il fallait lancer une télévision et radio panafricaines. On a aussi lancé une chaîne d’hôtels. Tous ces investissements étaient financés, il ne restait que la réalisation. Si j’avais pris la fédération avant que ces projets sortent de terre, l’opinion aurait dit que c’est avec l’argent de cette institution. C’est pourquoi je n’ai pu pas me décider si vite pour la fédération. Aujourd’hui la télévision et la radio sont prêtes, le centre de formation est quasi prêt, mes usines sont prêtes, on ne va jamais dire que j’ai pris les deniers publics. Je n’ai jamais été fonctionnaire dans ma vie. Après l’université je suis allé enrichir mon background et de retour au pays je n’ai travaillé que dans le privé. Je ne dois rien à personne. Je me sens suffisamment prêt pour apporter au football guinéen et pas m’en servir. Ce qui est regrettable ces dernières années, c’est que les gens n’ont pas servi notre football, ils s’en sont servis plutôt servi. Ils ont fonctionné dans l’opacité pas dans la transparence.

Quels seront vos grands chantiers lorsque vous prendrez les rênes de la FEGUIFOOT ?

Le grand chantier, c’est la restauration de notre football. Il faut aussi créer les infrastructures et avoir un championnat national régulier à tous les étages, avec une priorité faite au football amateur. Tous les clubs doivent avoir une équipe junior qui prendra part au championnat de la catégorie. En gros, mettre en place une base solide du football local pour jouer le CHAN chaque année. Et l’équipe nationale sera la synthèse. Notre politique sera aussi de developper le football à l’intérieur du pays. Les grands joueurs qu’à connus notre football sont venus de l’intérieur. C’est tout l’inverse aujourd’hui. Tout est concentré à Conakry. Quand je suis arrivé à la tête de la Ligue professionnelle, il y avait 10 clubs de la capitale sur les 12. J’ai trouvé cela inadmissible. Aujourd’hui, il y a une équité en termes de participation. Puisque nous avons 7 clubs de part et d’autre, même si ce n’est toujours pas satisfaisant. Il faut plus de moyens pour le développement de notre football. Cela évitera un exode rural vers la capitale. Malheureusement, les gens pensent qu’il faut venir manger à la fédération. Nous nous allons arrêter tout ça parce qu’on n’a pas besoin ça.

Parmi les défis de la fédération, il y a l’organisation de la CAN 2023 dont vous êtes le président du Comité d’organisation…

Tout à fait. La Coupe d’Afrique est un vecteur de développement. Parce que tous les secteurs de développement seront concernés. Le bureau est mis en place. Nous attendons la diffusion des commissions. D’ici là, nous avons pris contact avec ceux qui ont organisé la CAN avant nous. Et aujourd’hui nous sommes à la recherche de tout ceux qui peuvent nous apporter un plus. Pour la réalisation des infrastructures nous allons nous y mettre dès le mois prochain. Notre avantage, c’est de connaître les forces et les faiblesses du Gabon, dernier organisateur de cette compétition et dont le Comité d’organisation m’a remis tous les documents afférents. Nous allons aussi profiter de l’organisation du Cameroun et de la Côte d’Ivoire qui accueillent la CAN en 2019 et 2021. Et chez nous, je crois qu’on n’aura pas droit à l’erreur parce que nous aurons ces trois événements comme repères. C’est la synthèse de ces trois événements qui donnera la CAN guinéenne. On fera quelque chose de grand.

Parlons de l’équipe nationale A. La Guinée a un problème à convaincre ses binationaux à rejoindre le Syli. Est-ce que vous avez une politique spécifique pour attirer ces binationaux ?

C’est le management qui pose problème. Il faut respecter les joueurs et surtout savoir les convaincre. Et quand vous pensez qu’ils viennent pour repondre à votre appel, ils ne viendront jamais. Mais quand ils savent qu’ils sont suivis, écoutés et considérés, ils viendront. Il ne faut pas attendre qu’un événement se présente pour commencer à démarcher ces jeunes et après les laisser se débrouiller pour rentrer dans leurs clubs respectifs. Ce n’est pas sérieux. Je ferai en sorte que tous les joueurs guinéens soient répertoriés où qu’ils puissent être dans le monde. Nous allons ainsi être en contact avec tout le monde. Nous allons nous rendre dans tout club où un joueur guinéen aura un problème. Et les joueurs en forme du moment viendront renforcer l’équipe nationale. À côté nous allons former une équipe locale solide. Nous allons choisir les Guinéens qui aiment le football et qui veulent le servir. Retenez bien : servir et non s’en servir.

Selon certaines informations, un joueur guinéen, Amadou Diawara en l’occurrence, est dans une procédure très avancée d’obtention de la nationalité italienne et pourrait rejoindre la sélection de ce pays. Y a-t-il un moyen de le convaincre à revenir sur sa décision ?

On essaiera de négocier avec Amadou Diawara. Il est parti en Europe dans des circonstances confuses. C’est un joueur du Horoya AC. Aujourd’hui, cela n’est plus possible mais quant il n’y avait pas le professionnalisme, les gens faisaient partir les jeunes n’importe comment. C’est comme ça que ce jeune est parti. Si Dieu fait que je prenne les commandes de notre football, je me rendrai en Italie pour lui dire les avantages qu’il a à jouer pour la Guinée, des avantages qu’il n’aura pas avec l’Italie. Amara Simba, Joshua Guilavogui sont les parfaites illustrations. Tout grand joueur africain veut au moins jouer une fois la Coupe du monde ou la Coupe d’Afrique. Diawara n’aura pas cette chance ailleurs. Il n’a aucun interêt à s’engager avec l’Italie. Il doit que son avenir est en Guinée, dans le football africain. Il n’a qu’à prendre exemple sur des joueurs comme Ibrahima Traoré, Florentin Pogba, Pascal Feindouno et autres qui ont acquis de la considération dans le monde et en Afrique à travers le Syli. Je lui demande de bien reflechir, ce que l’Afrique peut lui donner, l’Italie ne lui donnera jamais. Il est Guinéen, il ne sera jamais Italien.

Entretien réalisé par Yvon LEROUX, Dakar 

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