Par Yvon LEROUX, Dakar
Le football local n’est pas une priorité pour l’Etat guinéen. « Dans le budget du ministère des sports, la Ligue Guinéenne de Football Professionnel n’est pas mentionnée dedans », a déclaré, Lancinet Kabassan Keita, le directeur national des sports et des activités physiques alors que Mathurin Bangoura, président de la LGFP, menace de démissionner à la tête de la structure qui gère le football local. L’avenir commence à s’assombrir…
Le socle du championnat professionnel de Guinée reste les mécènes qui investissent énormément pour son fonctionnement qui fait de lui une attraction sous-régionale. Cela ne se passe pas comme sur des roulettes puisque les difficultés à obtenir des subventions persistent depuis 2015, année de lancement du championnat professionnel.
Le contexte du covid-19 est juste la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. La situation de précarité était beaucoup plus exacerbée et observée de façon insouciante par l’État. Ce dernier pour masquer son irresponsabilité prétexte ne pas être courtisé par les acteurs sportifs pour la mise en place de la Ligue guinéenne de football professionnel (LGFP).
C’est dire que le gouvernement d’Alpha Condé considère le championnat local comme une priorité des mécènes dans une République qu’il gouverne.
La Ligue s’est pris les pieds dans le gazon
Délaissée par l’État qui ne lui accorde aucun appui financier, la LGFP a quand même décidé de poursuivre son rêve tout en espérant un lendemain meilleur. Cette structure s’est pris les pieds dans le gazon en engageant tout le monde alors que le championnat d’élite de Guinée pouvait se jouer à 4 si on se fie aux critères du football professionnel.
Le comportement des 10 autres clubs devrait pousser la Ligue guinéenne de football professionnel à prendre une cravache pour corriger. La Ligue mère du football local a choisi la solution d’assouplissement des rigueurs parce que « les clubs n’ont pas de moyens et les sponsors n’acceptent pas de mettre leur argent dans le football. La Ligue continue à coacher les clubs et il y a une envie d’aller vers le professionnalisme », avait confié Celloutata Diallo de la cellule de commune de la Ligue pro.
À imposer la rigueur il n’y aura pas de championnat.
L’Etat n’éprouve aucun remord
En difficulté financière, Mathurin Bangoura, l’actuel président de l’institution chargée de gérer le foot local, menace de démissionner si le ministère des sports ne lui vient pas en aide.
Ce n’est pas ce qui secoue la tutelle qui a envoyé Lancinet Kabassan Keita au charbon sur Djigui FM, le 08 juin 2020. Dans le discours du directeur national des sports et des activités physiques il n’en ressort aucun remord pour aider ce secteur qui reste la vitrine de notre pays.
D’ailleurs, il se veut clair : « le département des sports n’a pas été associé pour la mise en place de la LGFP, donc on ne peut pas l’accompagner financièrement… En tout cas le budget du ministère des sports, la Ligue Guinéenne de Football Professionnel n’est pas mentionné dedans. ».
Paradoxal. Cet intermédiaire du ministère des sports, invité sur le plateau de la RTG en 2018, avait fait remarque que « l’Etat prend en charge toutes les dépenses des clubs guinéens qualifiés en Interclubs africains. ».
Alors si l’Etat n’a pas été informé de la mise en place de la LGFP pourquoi prendre en charge un club de cette corporation ?
Le rôle biaisé de la gestion du football
En réalité la gouvernance Condé regarde le football local comme une simple activité de loisirs. C’est d’ailleurs cette vision qui anime Kabassan Keita qui n’a aucun recul pour souscrire que « le rôle de notre département, c’est d’accompagner les équipes nationales à travers la Fédération guinéenne de Football. ». Il ne suffit pas que de s’occuper des équipes nationales aussi qui résument le rôle du département.
Distant des exigences d’ordre mondial, le gouvernement guinéen ignore tout simplement que le football est une activité économique aussi éligible au même titre que les autres programmes phares pour le développement du pays.
Les dirigeants sportifs sont sans conviction
Le football aurait pu être une industrie rentable pour les clubs guinéens qui pourront garder leur indépendance, si elle était bien organisée. Malheureusement hormis les indemnités de transferts des joueurs qui sont quasiment insignifiantes, le football ne produit absolument rien. La provenance des ressources de nos clubs relève d’une acrobatie incroyable et mystérieuse.
Pourtant depuis 2016, la Fifa donne l’opportunité à toutes les associations membres d’entamer le développement de leur football à travers le projet Forward qui a octroyé jusqu’ici au moins 1 million de dollars par an. Ces sommes ont permis à beaucoup de majorer leurs dépenses et tenter de monter certaines infrastructures sauf en Guinée.
La preuve du manque d’initiative de nos dirigeants sportifs, c’est le partage des 500 000 dollars du Forword 2.0 aux clubs et autres. C’est d’ailleurs la première fois qu’on déclare de telle somme venant de la Fifa. Ailleurs, ces fonds ont permis à certains pays de bâtir les infrastructures pour alléger leurs charges. C’est tout le contraire en Guinée où attend toujours d’un Etat qui n’assume pas ses devoirs vis-à-vis du développement du football local.
Et depuis plusieurs années, les dirigeants de la Ligue pro se servent des exemples de développement du football local en Afrique pour exciter le pouvoir sans être explicite sur le modèle de subvention pour la Guinée.
La subvention indirecte, la solution pour tous
Il n’y a aucun championnat aujourd’hui, en tout cas de la sous-région, qui est pris en charge éternellement par leur État. Mais plusieurs pays on instauré par moment des projets de financement pour impulser leur football local.
C’est le cas du Gabon où le pouvoir avait injecté environ 2 milliards de Fcfa, il y a 5 ans, pour l’organisation des championnats de première et deuxième division. Et l’Etat avait envisagé un nouveau financement à hauteur d’un milliard de FCFA récemment.
C’est le même projet que Maître Augustin Senghor, président de la fédération sénégalaise de football, propose aux autorités de son pays. A défaut d’être satisfait sur ce projet, Senghor préconise une subvention indirecte à travers la télévision nationale. C’est-à-dire l’Etat va financer cette télévision qui a son tour redistribuera les dividendes aux clubs.
La subvention indirecte a été une réussite en Cote d’Ivoire. Il y a des taxes qui sont prélevés sur la vente des tabacs et alcools qui sont versés aux clubs sans oublier les autres subventions tirées de deux grosses sociétés.
En Guinée, Mathurin Bangoura déclarait sur les ondes d’Espace FM qu’ «il n’y a pas ce qu’on n’a pas fait. On a écrit à toutes les structures qui évoluent aujourd’hui en Guinée. ».
Il est temps alors de mettre en contribution le service marketing et communication pour la recherche des ressources additionnelles. Pour la réussite d ce qui sortira de cette réflexion, l’Etat doit forcément investir à faciliter les approches voire même imposer le soutien aux sociétés.
Comme en Cote d’Ivoire, le prélèvement des taxes sera une bonne une idée pour donner un coup de pouce aux clubs guinéens.