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RAZZAGUI CAMARA : « Les cardiologues ont décidé que c’était dangereux pour moi de continuer à jouer au foot. »

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Une série noire. En décembre dernier, Abdoul Razzagui Camara a été touché aux ligaments croisés du genou lors d’un match de Ligue 1 face à Troyes. Un coup dur pour le joueur de l’En Avant de Guingamp bien décidé à revenir plus fort après cette épreuve. Mais le Guinéen né à Mamou ne savait pas qu’il avait joué le dernier match de sa carrière. Il y a quelques jours, il a appris qu’il souffrait d’un problème cardiaque l’obligeant à raccrocher les crampons à seulement 28 ans. Pour Foot Mercato, l’ancien joueur d’Angers et du Stade Rennais revient sur ces derniers mois qui ont changé sa vie de footballeur et d’homme. Entretien.

Foot Mercato : Il y a un an, vous avez rejoint l’En Avant de Guingamp. Vous aviez plutôt bien commencé sous votre nouveau maillot (2 buts et 1 passe décisive en 14 apparitions en L1).

Abdoul Razzagui Camara : Je suis arrivé au club l’été dernier. Je me suis vite intégré. Je trouvais que c’était le club parfait pour continuer ma carrière. Guingamp est un club familial avec un groupe rempli de bons gars.

FM : Tout a basculé pour vous le 2 décembre 2017 à l’occasion d’un déplacement à Troyes. Vous avez été victime d’une rupture des ligaments croisés du genou.

ARC : Ça a été une semaine chargée avec trois matches. Contre Troyes, c’était le match où j’étais un peu au repos. Je suis entré cinq minutes. Quand j’ai eu ce choc, j’ai su directement que c’était une blessure aux ligaments croisés. Sur le coup, c’était difficile parce que j’étais en forme. C’était un peu difficile à accepter. Mais je n’avais pas le choix.

FM : Était-ce la première fois que vous avez eu une blessure aussi grave ?

ARC : Oui, c’était la première fois.

FM : Comment avez-vous vécu les mois qui ont suivi ?

ARC : J’ai eu beaucoup de chance les mois qui ont suivi parce que le club a vraiment été très présent pour moi. Ils ont été là pour moi. Ils m’ont beaucoup aidé. J’ai été opéré par le Dr Sonnery-Cottet à Lyon. Ensuite, je me suis rendu à Cap Breton pour la rééducation. Ça a été bien dans le sens où j’ai pu rencontrer beaucoup de monde là-bas. Des personnes qui sont en dehors du foot. J’ai pu créer des amitiés aussi. C’était très intéressant. Ensuite, la rééducation ce n’est que du mental. C’est toi et toi. Pendant tous ces mois, j’ai beaucoup travaillé avec eux mais aussi avec le club. De temps en temps, je rentrais à Guingamp pour poursuivre ma rééducation. On va dire que les choses se sont bien passées car j’ai eu un bon suivi.

FM : Vous avez dit que tout est dans le mental. Dans ces moments-là, qu’est-ce qui vous a fait tenir ?

ARC : Le fait de vouloir continuer à jouer au foot. Tu as la rage, la niaque. Tu te dis : « je veux revenir bien et plus fort« . Tu penses seulement au moment où tu vas remettre ton maillot, où tu vas rentrer sur le terrain. C’est la chose qui te donne de la force.

FM : Sur votre compte Instagram, dès le verdict de votre blessure, vous aviez écrit :« Ceci est une épreuve dans la vie, je reviendrai ». Pour vous, c’était sûr et certain que vous alliez revenir.

ARC  : Pour moi, c’était sûr que j’allais revenir. Je me suis arraché pendant toute ma rééducation pour reprendre au moment de la préparation, chose que j’ai réussi à faire. J’ai fait toute la préparation avec Guingamp. Il n’y a que les matches que je n’ai pas pu faire parce qu’il fallait attendre un peu.

« C’était dangereux pour moi de continuer à jouer au foot »

FM : Le 25 août, l’EAG a publié un communiqué dans lequel il était indiqué : « L’En Avant de Guingamp est aujourd’hui très triste d’annoncer que son joueur Razza Camara ne portera plus le maillot de l’EAG, pour raisons médicales suite à un long processus d’examens qui viennent de rendre leur verdict ». Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Êtes-vous toujours sous contrat avec l’écurie bretonne ?

ARC : Mon contrat avec Guingamp n’est pas rompu. Chaque année, nous faisons des tests cardiaques. J’ai fait mon test. Mais le cardiologue m’a dit qu’il y avait un truc bizarre, qu’il y avait un truc différent par rapport à l’année dernière. Donc sur le coup, tu te dis qu’ils vont juste faire deux-trois vérifications et ça va passer, ce n’est rien. J’ai fait une IRM qui s’est révélée ne pas être bonne. De là, j’ai fait des tests approfondis, des tests d’effort. Là aussi, ça n’allait pas trop. Ensuite, le club a commencé à parler avec le cardiologue de la Ligue, qui peut dire si oui ou non tu peux jouer. Donc eux aussi voulaient des tests approfondis. J’ai fait une série de tests pour le cœur. Et ce n’était pas bon non plus. Donc à partir de là, ils ont parlé entre eux et ils ont décidé que c’était dangereux pour moi de continuer à jouer au foot.

FM : C’était un nouveau coup sur la tête pour vous après avoir fait tant d’efforts pour revenir après votre blessure au genou.

ARC : J’attendais la nouvelle depuis trois semaines. C’était très long. Je sortais de l’entraînement. J’essayais de savourer au cas où. Le docteur m’a appelé pour me dire que ce n’était pas possible de continuer.

FM : Le foot, c’est donc définitivement terminé pour vous aujourd’hui.

ARC : Je ne peux plus continuer car je risque de faire un arrêt cardiaque ou de mourir sur un terrain comme cela a pu arriver à d’autres joueurs. Il faut passer à autre chose, même si c’est dur à accepter.

FM : Même si c’est très difficile, on peut dire que c’est un mal pour un bien.

ARC : Oui, on peut le voir comme ça. C’est la vérité après tout. Mais pour moi, aujourd’hui, il faut le temps de l’accepter. Depuis que j’ai 13 ans, ma vie c’est le foot. Je m’étais battu pour revenir après ma blessure aux ligaments croisés. Et là, on te dit que tu ne porteras plus jamais de maillot. C’est un peu difficile à entendre. On va dire que c’est un mal pour un bien. Mais je n’ai pas encore digéré. Tu ne peux pas digérer ça rapidement. Il me faut du temps.

FM : D’autant que ce n’est pas votre choix.

ARC : Oui, ce n’est pas comme une blessure où tu peux te battre pour revenir. Là, je ne peux rien faire. J’ai juste attendu pendant trois semaines et on m’a dit c’est fini. Tout s’écroule à ce moment-là.

FM : Qu’est-ce qui vous manquera le plus ?

ARC : Le ballon. C’est le plus beau métier du monde. C’est tout ce que j’aime faire. Ce qui fait que je me lève le matin pour aller m’entraîner, pour aller jouer. Plein de choses vont me manquer. Le foot m’a permis de rencontrer énormément de personnes. J’ai eu la chance de voyager dans plusieurs pays, de pouvoir parler plusieurs langues. Beaucoup de choses vont me manquer.

FM : Le club de Guingamp a dit qu’il ne vous lâcherait pas dans cette épreuve. Comment vous aide-t-il ?

ARC : Le club m’aide de plusieurs façons. Je dois faire des choses administratives. Ils sont là pour moi. Le président (Bertand Desplat) est vraiment là pour me soutenir. Il est proche de moi. Si j’ai besoin de lui ou du club, je sais qu’ils seront là.

FM : J’imagine que certains joueurs vous ont aussi soutenu.

ARC : Oui, j’ai eu énormément de messages. Je les en remercie encore. Tout le monde est touché dans le sens où les joueurs savent que ne plus avoir le football du jour au lendemain, c’est dur. C’est toute notre vie. J’ai eu beaucoup de messages. Mais j’avais besoin de temps pour couper un peu car ça a été un choc pour moi.

FM : Malgré tout, commencez-vous à penser à la suite ?

ARC : Oui, c’est sûr. Aujourd’hui, j’ai envie de découvrir d’autres côtés du foot. J’ai d’anciens coaches que j’ai eu qui m’ont appelé. Des présidents m’ont appelé aussi. Peut-être que j’irais à leurs côtés pour apprendre, et un jour je saurai vraiment ce que je veux faire.

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